Anthousa Mona
Celui qui jadis était un Grand Prêtre et un érudit renommé chargea telle une bête sauvage, son corps recouvert de piques qui semblaient jaillir de ses articulations. Anthousa leva la main afin de parer l’attaque de son adversaire et le sort qu’elle lança parvint à dévier l’imposant poing qui se dirigeait vers elle. Autour des deux combattants, les Kelaris luttaient dans les rues d’Atia.
« Le sang des Kelaris coule à flot dans les caniveaux de la ville parce que tu t’accroches à tes préceptes obsolètes et stupides ! » railla Karris, en envoyant à la Grande Prêtresse une onde ardente qui lui fit fondre sa garde.
Cette dernière demeura impassible, même lorsque la chaleur qui parvint jusqu’à son visage fit roussir ses sourcils. La force de celui qui lui faisait face allait bientôt devenir incontrôlable et Anthousa n’avait d’autre choix que de continuer à le faire parler en empruntant son ton le plus impérieux, ton qu’elle était capable d’adopter en toutes circonstances : « Le sang des Kelaris n’est pas de ton ressort, Karris. Tout ce que je vois, ce n’est qu’un Capricieux de plus qui jappe. »
Karris saisit Anthousa à la gorge et, au même instant, un rayon de lumière provenant du bâton de cette dernière vint heurter son torse. Maelforge n’est pas le seul à pouvoir maîtriser le feu, pensa-t-elle. Il hurla d’agonie lorsqu’il sentit son sang bouillir dans ses veines. Il parvint malgré la douleur à projeter son adversaire contre le mur et la prêtresse alla s’écraser contre la paroi.
Alors qu’elle sentait les os de son squelette se briser, elle se mit à murmurer avec difficulté des paroles guérisseuses, tout en constatant que son opposant se rapprochait dangereusement d’elle.
« À vos yeux, je ne suis donc plus un Kelari, Votre Éminence ? Puisqu’il en est ainsi, je serai un Pyrkari et je pulvériserai ceux qui refuseront de se soumettre au plus fort ! »
En réponse, Anthousa se propulsa au-dessus de lui. Sa jupe flottait dans les airs et elle déclara : « Bientôt, tu ne seras plus que cendre et souvenir… jusqu'à n'être seulement que cendre. »
« Jace ! cria Anthousa alors qu’elle se tenait assise contre la porte fermée de la chambre de son fils, les mains sur les genoux. Je suis navrée de te décevoir, mais tu sais que tu ne peux pas faire confiance à Karris.
– Tu es en colère parce que tu n’as pas réussi à prouver que tu avais raison à son sujet ! hurla Jace en faisant les cent pas à l’intérieur. Il est persuadé que tu ne cherches qu’à nous empêcher de passer à l’action ! »
Akios voletait à proximité et Anthousa reconnut le bruit qui caractérisait son déplacement. Elle passa ses doigts à travers le halo de lumière qu’il laissait sur son passage.
« Si notre peuple doit affronter Maelforge, je préfère que nous restions en dehors de tout cela, en effet. Si seulement tu étudiais les esprits pour accroître ton pouvoir plutôt que de choisir la facilité, tu…
– JE NE VEUX RIEN SAVOIR ! hurla Jace en lançant le parchemin qu’il devait étudier contre la porte.
– Tu ne veux rien savoir à propos de quoi ? Des esprits ? De ton peuple ? ironisa sa mère. Je te connais suffisamment pour deviner que ce n’est pas vr...
– Je ne veux rien savoir de toi ! grommela-t-il.
Les paroles étouffées que son fils avait prononcées la tête enfouie dans son oreiller étaient malgré tout parvenues jusqu’aux oreilles d’Anthousa. Cette dernière se sentit décontenancée pour la première fois depuis des années. Elle décida de se lever, défroissa sa tenue et répondit : « Eh bien, c’est à toi de déterminer quelles sont tes propres priorités. Rejoins-moi une fois que tu auras les idées un peu plus claires et nous passerons à table. »
Anthousa posa un genou au sol en voyant la vague suivante de réfugiés déferler. Ses doigts brûlaient encore sous l’effet des sorts qu’elle venait de lancer et la foule chancelante qui tentait d’échapper à la fureur des Pyrkaris se dirigeait vers les quais en poussant des geignements.
« Grande Prêtresse, économisez vos forces, je vous en prie. D’autres Clercs sont là pour nous soigner », commenta Thesios en passant un bras autour d’elle pour l’aider à se relever.
Cette dernière avala une potion de mana à grandes gorgées et essuya les gouttes de liquide bleu clair qui avaient perlé sur son menton. Elle répondit : « Certes, mais aucun ne possède ma force. » Elle reprit sans tarder ses chants pour le groupe suivant de Kelaris qui peinait à arriver, observant avec satisfaction leurs plaies se refermer et leur cadence accélérer pour parvenir jusqu’aux embarcations.
« Je crains le pire si les Pyrkaris font une percée à revers et vous attaquent alors que vous êtes à bout de force, renchérit Thesios. Karris a bien failli vous tuer la dernière fois !
– Tout comme j’ai failli le tuer aussi ! rétorqua-t-elle en se remettant à chanter.
– Et si nous renoncions à cette idée d’exode et que nous restions pour nous battre ? De nombreux Kelaris en ont après vous parce que vous leur avez ordonné de fuir, ajouta-t-il en s’approchant et en esquissant un timide sourire.
– De nombreux Kelaris, ou juste vous ? hasarda Anthousa en s’arrêtant net et en lui adressant un regard noir. Nous devons partir, Thesios, si nous voulons survivre. Si vous osez contester encore une fois ma décision, je n’éprouverai aucun remord à vous laisser ici. »
Anthousa s’assit sur les genoux de son père et commença à lire le parchemin que celui-ci tenait ouvert entre les mains. Akios, qui avait envie de jouer avec elle, virevoltait au-dessus d’eux, manifestant ainsi son impatience.
« […] découvrirent par hasard cette île peuplée d’esprits anciens, gardiens des secrets de la création, qui sont comme les dernières braises du feu de la vérité sur notre monde. C’est pourquoi nous décidâmes de nommer ce lieu Île de Braise en leur honneur. Nous traitions les esprits comme nos égaux et amis, et nous décrétâmes de ne jamais plus nous soumettre, comme nous le fîmes jadis face à Tavril. Tout Kelari qui se respecte ne s’agenouille devant rien.
– Papa, j’ai soooommeil, hasarda la petite fille en baillant et en jouant avec sa tresse.
– J’ai bientôt fini, mon ange, répondit son père avec un sourire qui illumina son visage, d’habitude si grave. Tu as été très sage.
– Maman dit que je suis trop petite pour ces histoires de grands.
– Ta mère a bon cœur et la tâche qui t’attend la tourmente. Un jour, tu seras Grande Prêtresse et le destin de notre peuple reposera sur tes épaules. Nos espoirs sont grands, mais fragiles.
– Je suis peut-être petite, mais je suis forte ! déclara-t-elle en se replongeant immédiatement dans la lecture du texte.
– Bien plus que tu ne l’imagines, Anthousa », ajouta son père.
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